lundi 25 avril 2016

Propriété intellectuelle: brevet et communs scientifiques

Quand deux espérantistes célèbres parlent de propriété intellectuelle, il n’est pas surprenant de parler du sens des mots et leurs réflexions sonnent très juste.
Le terme propriété intellectuelle est un terme chapeau qui regroupe des problématiques comme les marques et les brevets. Les marques sont censées être le nom de famille d’une entreprise ou d’un produit. Les brevets sont censés protégés un procédé ou une technique. Ni l’un, ni l’autre ne protège une idée et bien sûr un arc en ciel n’est pas brevetable… mais…
Richard Stallman a pourtant parfaitement raison, le terme propriété intellectuelle (PI) est très mal choisit. Il n’y a pas de propriété sur les choses intellectuelles et il ne peut pas y en avoir comme le souligne justement Albert Jacquard. Le terme PI sonne donc très faux. En fait il n’y a de propriété que la réalisation, la mise en pratique de procédé. On pourrait dire comme Albert Jacquard le suggère que toute invention est combinatoire mais il est difficile également de ne pas reconnaitre à la fois une qualité à celui qui agrège et un travail dans cette combinaison. On ne refuse pas à l’écrivain de gagner sa vie par ses livres sous prétexte qu’il utilise des mots communs à tous. Dans un brevet la combinaison est ingénieuse.
Il y a souvent confusion sur l’utilité des brevets parce qu'ils sont décrits comme des droits de propriété, ce qu’ils ne sont pas. Au pire un brevet peut-être considéré comme un droit temporaire, dans le fait c’est un droit d’empêcher pendant un laps de temps défini. Mais cette approche passe aux oubliettes l’obligation de divulgation qui pourtant fonde la notion de brevet moderne. Je crois qu’il y a une vraie dérive vers le brevet 'droit de concession' ou le brevet 'récompense' sous forme de droit. Historiquement il fut l'un et l'autre. En effet, le brevet à pour forme un papier présentable en cours de justice pour empêcher autrui de copier. C’est en fait la partie visible, celle qui est positivement valorisable et opposable.
Lorsque j’ai été appelé à réorganiser un département brevet de l’Université de Tours j’ai été confronté à deux conceptions de la cartographie brevet. Les uns y voyaient une représentation des droits exclusifs d’entreprises ou d’inventeurs dont l’on pouvait définir les contours afin de savoir ce qu’il est interdit de faire ou déterminer les stratégies des différents acteurs sur un champs de bataille technologique ou valoriser les 'portefeuilles' brevets. Ce type d’analyse est intéressant, certes, puisqu’il décrit l’existant des découvertes, les premiers sommets d’un continent à découvrir. Et cela peur aller plus profond: visualiser les techniques utilisées, savoir donc les limites du savoir « breveté », définir les axes de recherche, affiner ses propres dépôts de brevets
J’ai été confronté à une autre approche, radicalement différente qui postule que dans certains brevets se trouve des contenus scientifiques et que donc il est possible d’analyser le brevet comme un publication scientifique. Pratiquement cela n’est presque jamais fait et pourtant la divulgation à l’homme de l’art est la contrepartie à l’obtention même du brevet. Le problème, c’est qu’une fois l’obtention du brevet rien n’est fait pour publier équitablement cette contrepartie. Elle demeure attachée au document et traitée comme une annexe d’un document juridique. D’où l’impression qu’un brevet retire de la connaissance aux communs scientifiques alors que ce devrait-être un apport. En effet, un des objectifs historiques du brevet moderne c’est de faire avancer la technique, de forcer à ne pas garder pour soi des recherches qui peuvent intéresser tout le monde. En ce sens le brevet est l’allié des communs scientifiques. Il le deviendra en fait dès que les contenus scientifiques et techniques seront facilement accessibles et visibles.
Étant optimiste, je souhaite que le brevet soit associé à une publication pleine et didactique des recherches qui ont menées directement ou indirectement à l’invention; que ces publications aient un poids significatif au regard de l’avantage qui est concédé.
Medolo est le projet de rendre la partie scientifique des brevets lisible, utilisable et réutilisable.

DoJo